Je vais faire de Kindu une plantation de café



Je ferai de Kindu une plantation du café, je m’appelle Thambwe Mwamba

Extraits de mon livre: La Democratie ne se mange pas. 


Nul ne sait d’où le danger peut venir. Pendant des années, Kindu a été le théâtre d’une guerre sanglante. A l’époque, des Rwandais et des rebelles de la RCD avaient pris la ville. Alexis Thambwe, l’un des principaux chefs de la RCD, figure aujourd’hui au numéro 9 de la liste, des candidats aux élections parlementaires de la ville de Kindu. Les gens d’ici disent qu’il a été le premier à entrer dans Kindu quand la ville a été conquise par les rebelles. Il est directement allé à l’entreprise minière dont il avait été le directeur. Il a emporté toutes les réserves d’or et de minerais et les a cachées chez lui. Depuis lors, ce butin est devenu sa propriété privée. C’est une situation insoutenable pour un homme qui a les plus grandes chances d’être élu. Mais dans quelle mesure ces rumeurs sont-elles vraies ?
A la question de savoir pourquoi les gens de Kindu votent tout de même pour Alexis Thambwe, beaucoup répondent qu’il vit dans cette ville parce qu’il y a une maison. Il dépense beaucoup d’argent pour la campagne. Et surtout, il bat campagne pour Kabila…

En route vers la CEI, nous rencontrons un cortège d’Alexis Thambwe. Armés de mégaphone, les membres du personnel de propagande expliquent les élections au public : « Des élections sont organisées le 30 juillet 2006 et vous devez aller voter. Pour voter, vous prenez d’abord la liste des candidats à l’élection présidentielles. Vous faites une croix sur le numéro 7, celui de notre président Kabila. Ensuite, vous prenez la liste des candidats parlementaires. Vous faites une autre croix – sur le numéro 9. Si les autres candidats vous donnent des T-shirts, n’hésitez pas à les accepter. Mais vous savez pour qui vous devez voter. »




Nous passons en revue ensemble l’ordre du jour qui porte sur la situation politique, sociale et économique de la région. Les routes sont très mauvaises dans la province du Maniema et Marie-France nous enjoint de rouler avec précaution pour éviter un accident d’auto. Lorsqu’elle entend que Frank va tout seul à Kailo pour observer les élections, elle fronce les sourcils et le lui déconseille. Il n’y a personne de la MONUC là-bas et aucune aide ne pourrait être apportée si quelque chose lui arrivait. Concernant la situation politique à Kindu, Marie-France prévoit des problèmes entre les candidats parlementaires Raphaël Luhulu et Alexis Thambwe Mwamba. Dans le quartier de Mikelenge – où se trouvent de nombreux partisans d’Alexis Thambwe et de Luhulu – des émeutes ont déjà éclaté. Cette nouvelle éveille tout de suite mon attention et je décide de prendre ce quartier comme point d’observation pendant les élections.

Nous retournons dans le quartier de Mikelenge. Au stade de football, un grand meeting est organisé par le candidat parlementaire Alexis Thambwe Mwamba. Il est déjà présent lorsque nous arrivons au stade. Environ deux mille personnes sont là pour l’écouter. Pour les enfants, c’est un peu la fête. Ils jouent entre les jambes des adultes.
Alexis ne prend pas la parole lui-même. Un homme parle à sa place en utilisant la même argumentation que celle que j’ai entendue partout à Kindu : « Votez pour Alexis, parce qu’il est un fils de cette ville. Il ne vous a jamais oublié. Votez surtout pour Kabila ... »

Pour moi, le discours de cet homme n’a vraiment rien d’intéressant. Mon attention est plutôt éveillée par une femme vêtue d’un T-shirt jaune avec la mention « Médiatrice ». Je me dirige vers elle pour lui parler. Elle me dit que son rôle consiste à assurer la médiation dans les conflits qui surviennent. La seule arme de cette femme est un parapluie – pour se protéger contre la pluie et non contre les hommes mal intentionnés.




Je lui demande si elle pense en son for intérieur qu’elle pourra pratiquer la médiation avec les fomenteurs de troubles. Elle me répond qu’elle collabore avec la police. Sa méthode consiste à commencer par parler avec les intéressés eux-mêmes et tenter de les aider en recourant à son bon sens personnel. Si son intervention ne suffit pas, elle avertit la police. Elle tient ces propos à moitié en riant, à moitié en ayant peur. Peur, parce qu’elle devra passer à l’action, alors qu’elle est une femme. Les fomenteurs de troubles pourraient bien la frapper et la police n’est pas toujours dans les parages. J’éprouve du respect pour cette Maman congolaise.

Pendant que je suis en train de parler avec la médiatrice, un cortège de Luanga passe. Candidat en tête dans une jeep, le cortège est suivi par une masse de personnes. Lorsque le cortège se rapproche du stade, le public du côté d’Alexis Thambwe devient beaucoup plus frémissant. Je m’aperçois que je redoute qu’un incident éclate.
Le cortège ralentit. Les gens de Luangwa lancent des slogans après l’arrivée d’Alexis Thambwe : « Tu viens planter du café, qu’est-ce que tu attends ? Où est-elle, ta plantation de café ? »

Comme je ne comprends rien à cette histoire de plantation de café, je me renseigne auprès de la médiatrice. Elle m’explique que quand Alexis Thambwe appartenait encore au mouvement rebelle de Ruberwa, il avait enjoint aux gens de ne pas opposer de résistance aux troupes rwandaises qui venaient conquérir le pays. Sinon, lui, Alexis Thambwe, allait – selon ses propres termes – lâcher une bombe sur Kindu. Tout le monde serait tué et remplacé par une plantation de café. Kindu serait alors une plantation de café, avec comme seul propriétaire et patron : Alexis Thambwe Mwamba. 

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